Rencontres libanaises (15)
Monsieur E., éditeur
Samedi soir, à quelques heures de la fin de notre séjour, nous avons rendez vous chez « une dame française ».
En haut du village, un chemin qui semble aller dans la montagne, nous mène chez Monsieur E et son épouse C. , la française du village.
Ils nous accueillent et nous y resterons diner, dans leur maison, spacieuse, au décor design inhabituel dans la région. Monsieur E. nous apprend que cette maison est l’ancienne filature de soie, abandonnée dans les années 1960. D’ailleurs une photo ancienne en témoigne. Beaucoup de travaux ont été nécessaire pour transformer cette usine, seul lieu de travail des jeunes de Kfarakab et en même temps lieu de rencontre entre jeunes gens et jeunes filles.
Maintenant l’usine est devenue le lieu de repos pour Monsieur E et son épouse qui travaillent à Beyrouth.
En effet Monsieur E est directeur d’un bimensuel qui relate des événements culturels du Liban. Ce périodique est édité en français parce que notre langue est celle « des gens cultivés à Beyrouth ».
Cette revue est distribuée par abonnement et dernièrement sur Internet.
Monsieur E. dirige cette revue depuis 15 ans.
Monsieur E. nous parle donc de la vie culturelle au Liban et nous en profitons car ce n’est pas le domaine qui se voit facilement quand on visite Beyrouth.
La culture ne se résume donc pas aux événements qui se déroulent au célèbre Casino du Liban vu de l’autoroute à l’est de Beyrouth.
Monsieur E. nous indique qu’en ville, tous les 15 jours il y a des concerts de musique classique en alternance avec des musiques locales.
Il y a 7 salles de concerts, 7 salles de théâtre. Les troupes et les orchestres sont libanais. La vie culturelle est également organisée par les ambassades qui accueillent des artistes étrangers.
Monsieur E. est un érudit que les nouvelles techniques de communication attirent. Il s’enthousiasme pour le podcast un moyen extraordinaire pour profiter de l’information , de la musique, etc…
Quand nous parlons des films français que nous aimons bien, il nous annonce que son choix, au niveau mondial est beaucoup plus riche . Nous , nous aimons beaucoup la production libanaise comme « Caramel »… Il déplore également le « matraquage » des médias français pour la publicité des livres.
Monsieur E. aime la provocation quand il dénigre l’importance des Jeux de la Francophonie qui se dérouleront prochainement à Beyrouth « une invention de Chirac sans intérêt ».
Quand on aborde la politique, le verbe se fait encore plus acerbe.
Pour lui le Liban est un triste laboratoire pour les puissances mondiales : par exemple le conflit chiites-sunites.
Monsieur E. regrette que le Liban soit manœuvré par l’extérieur et déclare qu’ une volonté nationaliste est nécessaire.
Enfin, Monsieur E. bouleverse mes espérances en la l’Union de Méditerranée pour construire la paix, il me prouve qu’Israël ne s’intégrera jamais dans cette union. « C’est un moyen de refuser la Turquie dans l’Europe ».
Le franc-parler de ce beyrouthin, cultivé, musicien, grand voyageur et personnalité du monde culturel libanais, nous surprend . Et on se dit que le malaise doit être sacrément profond ici et que notre information en France est sûrement partiale sur ce Moyen Orient…