Lieu d’enfermement tout neuf…
Le nouveau centre pénitentiaire de Saran « ouvrira » ses portes mi juillet 2014.
Je n’ai pas eu le droit de photographier à l’intérieur, alors pour illustrer ce billet , je suis allé sur Internet ; sur quatre photos sauf les barrières de barbelés, les sujets photographiés sont identiques à ceux que j’ai vu à Saran, les nouvelles prisons seraient-elles toute identiques ?
Je viens d’avoir l’occasion de visiter la nouvelle prison de Saran, par l’intermédiaire de l’Association « L’espoir », accueil des familles de détenus. Elle est vide et l’Administration en profite pour l’ouvrir aux visiteurs de Saran et des associations concernées par les prisonniers et leurs familles.
Historique très rapide
Le nombre de détenus ne cesse d’augmenter en France, les prisons sont surpeuplées et le Conseil de l’Europe rappelle la France a ses obligations en matière de lieu d’enfermement. La prison d’Orléans ne fait pas exception.
Depuis plusieurs années le Ministère de la Justice cherchait à construire une nouvelle prison dans l’agglomération d’Orléans. Malgré les plaintes des riverains du centre de détention d’Orléans situé en pleine ville, toutes les communes environnantes refusaient de l’accueillir . On veut bien enfermer tous les délinquants mais pas près de chez soi ! Enfin la commune de Saran offrit une parcelle boisée pour implanter cette construction. Il est vrai que les répercutions économiques de telle installation ne semble pas très importante. D’après leurs témoignages les surveillants ne trouvent pas de logements facilement, rien ne semble être prévu pour les recevoir. Derrière les hauts murs qui l’entourent cette nouvelle ville de plus de mille personnes (700 détenus et 350 personnels sans compter le personnel d’entretien et de maintenance de la Sodexo) semble fonctionner d’une façon autonome. Pour les inquiets de l’image qu’elle donnerai il en est de même, perdue dans la forêt en bordure de l’agglomération, à près d’un kilomètre des premières habitations, elle ne devrait pas faire parler d’elle.
Présentation générale
D’après nos guides, deux encadrants surveillants, la nouvelle prison de Saran est la plus vaste (35000 m2) de France après Fleury Mérogis en banlieue parisienne.
Les architectes du Ministère ont mis à profit cette étendue pour concevoir un lieu très spacieux, grand hall, un terrain de foot, et plusieurs espaces de sports et de promenades . Le centre est composé de 5 lieux différents et un centre administratif , tous ces endroits sont isolés les uns des autres par tout un système de grilles, de lourdes portes, d’énormes murs en béton lissé et même de clôtures en barbelés. Ces 5 lieux sont 2 maisons d’arrêt d’une contenance de 210 personnes (détenus en attente de jugement ou d’affectation), 1 centre de détention de 210 détenus(condamnés pour des peines de 3 à 7 ans), d’une maison d’arrêt pour femmes et d’un bâtiment accueillant les nouveaux arrivés pour une semaine maximum, genre de centre d’observation et de tri…
Pour les connaisseurs il semble que le progrès de cette nouvelle prison se situe dans les cellules ; en effet la personne ou les deux personnes selon le type de cellule, disposent dans un « coin » isolé par une porte battante d’une cuvette WC, d’un lavabo et d’une douche, comme dans les chambres d’hôpital.
Dommage que le sol de la douche (une pomme intégré dans la cloison) ne mesure pas plus de 20 cm (entre mur et la cuvette de WC, la largeur de deux pieds) et manque d’une évacuation. Avec le temps et l’entretien qui risque d’être sommaire, l’eau ne va-t-elle pas stagner entrainant une humidité permanente et accélérer la vétusté de l’endroit… Petit détail qui semble avoir échappé aux architectes. A moins que ces quelques centimètres carrés nécessaires aujourd’hui ne permettent pas d’augmenter la capacité future de la cellule …
Dans chaque cellule est installée un écran de télévision et un réfrigérateur, payants. Autre progrès, les détenus ne feront plus la lessive dans leur lavabo à l’eau froide, ceux qui n’auront pas la possibilité d’être blanchi par leur famille pourront donner leur linge à l’intendance.
Autre innovation de ce Centre, les espaces familiaux au nombre de 5), genre d’appartements avec chambres et cuisine, où les détenus pourrons passer jusqu’à 72 heures.
Impressions .
En parcourant les couloirs qui nous amenaient dans des endroits « intéressants » (bibliothèque, salle de musculation, parloirs, classes d’enseignement, cellule pour personne à mobilité réduite, cellules), cet univers de grillages, de lourdes portes, de caméra de surveillance (450), de signaux sonores assourdissants, de continuels échanges radio entre les surveillants est oppressant . L’angoisse qui nous envahit est d’autant plus forte quand l’on imagine que les détenus vont vivre ici de longues semaines voir d’années. Certains vont s’y adapter, d’autres pas.
Les discussions avec les surveillants-guides sont presque plus enrichissantes que la visite : avec toute la réserve que leur fonction exige, ils répondent à nos interrogations et nous font entrevoir ce métier méconnu du grand public (malgré quelques bons reportages TV).
Tout pour la sécurité du personnel.
Leur sécurité semble à la base de la conception des bâtiments et des organisations mises en œuvre. Si les conceptions architecturales semblent classiques et répétitifs, la nouvelle organisation a fait l’objet d’un important travail des encadrants depuis plusieurs mois ; ils et elles doivent s’organiser avec les contraintes des nouveaux locaux en fonction de leurs expériences acquises précédemment et semble-t-il, des objectifs du Directeur. Par exemple les rassemblements de détenus sont évités le plus possible ; dans les endroits où cela est inévitables, salles de classe, ateliers, salle de musculation, les portes sont systématiquement fermées de l’extérieur et des lucarnes permettent la surveillance. Les déplacements en groupe (parloirs par exemple) sont contrôlés. Il y a impossibilité de passer d’un bâtiment et d’un étage à un autre. Les déplacements des femmes sont occultés rigoureusement. Etc…
Le suicide l’ennemi n°1.
Dans les cellules (là où le détenu est seul) tout est conçu pour éviter le suicide. Le miroir au dessus du lavabo est en plastique (déformant ?), aucun tuyau n’est apparent, les portes manteaux sont en caoutchouc .
Pour éviter les dépressions probablement, les surveillants cherchent le plus possible à occuper les détenus. Le travail en atelier, l’éducation, le sport ne sont pas obligatoires mais tout est fait pour inciter les personnes à sortir de leurs cellules : « il y en a qui resterait toujours devant la télé « . Comme dans les hôpitaux, la Télé est installée en permanence et payante. A Saran cet écran devrait aussi servir pour « faire ses courses » .
Le téléphone .
Dans les extrémités des couloirs, des câbles sont laissés en attente. A ces endroits seront implantés des points téléphoniques avec mot de passe, très contrôlés et ouverts pendant des heures de bureau… Plusieurs rapports officiels annoncent la fin de ce système au profit de l’utilisation du portable personnel, j’ai donc été étonné par ces installations dans une prison moderne. Il semblerait que cette innovation en humanité n’est pas près d’être réalisée. « Ils font tout avec leur portable…notre sécurité est enjeu », « Le jour où le téléphone portable sera autorisé, je prends le mien … » Les surveillants doivent laisser leur téléphone portable personnel au poste de surveillance de l’entrée du centre. Nos guides comme plusieurs visiteurs refusent la réalité actuelle qui voit se propager depuis plusieurs années les portables sauvages dans les cellules malgré les fouilles répétées et les nombreux portiques de sécurité. J’ai remarqué que les surveillants posent un regard presque admiratif sur l’imagination débordante des détenus à déroger aux obligations…
Relation détenu surveillant.
Ce sujet me semble très important. Toutes les installations, les organisations que je vu et les propos entendus, m’ont donné l’impression que les détenus sont des bêtes sauvages et les surveillants des dompteurs et leurs assistants comme dans un cirque où les lions arrivent sur la piste à l’intérieur de tunnel à barreaux…
Pourtant nos guides se sont montrés compétents, soucieux de respecter les droits des détenus (malgré les contraintes européennes) et leur éthique professionnelle.
Pourtant ils nous ont rappelé l’objectif principal de leur métier » Amener le détenu à la sortie, meilleur qu’il était en arrivant et au moins le même ».
J’imagine que ce travail doit être très difficile, les horaires sont contraignants, les conditions de travail pénibles surtout à cause du bruit, la sécurité personnel et familial en dehors du travail est à absolument préservée, pour les encadrants et les responsables des décisions graves de conséquence pour les détenus sont à prendre régulièrement . Comme on le dit : « il en faut bien des surveillants malgré…! »
Après avoir effectué cette visite je me mets à rêver à une société qui n’enfermerait personne. Des pays l’expérimentent, est-ce vraiment utopique ? Des grands hommes, Delarue, Badinter entre autres cherchent à nous faire évoluer dans cette voie. Ce passage en prison me renforce dans mes convictions.
L’émission de RCF (à Orléans 91,2), des dimanche midi et quart (« Le téléphone du dimanche ») pendant laquelle la radio permet aux familles de lancer des messages à leurs détenus est très instructive . Nous y entendons que malgré leurs violences, leurs fautes, les détenus sont d’abord des humains et pas des bêtes sauvages… mais je ne travaille pas à la prison !!! Bernard pas d’angélisme me dira-t-on !
One thought on “Lieu d’enfermement tout neuf…”
Merci pour ce texte qui permet d’imaginer le quotidien de nos êtres chers qui sont détenus au sein de cette prison. J’aime particulièrement votre conclusion et espère qu’elle sera réalisée un jour. Bien à vous.