Les flammes de Pierre
Je viens de lire ce roman écrit par Jean Christophe Rufin, de l’Académie Française.
La montagne, autrement.
Dans la préface de ce livre, l’auteur discute avec d’autres écrivains sur les types de livres de montagne. Ces derniers ont plutôt tendance à relater les exploits des montagnards, les aventures des guides, les événements qui ont fait la grande histoire de la découverte des sommets .
Avec ce livre Jean Christophe Rufin veut montrer une autre face de la montagne, celle qui agit sur les femmes et les hommes qui la rencontrent.
La montagne, une divinité
Jean Christophe Rufin a écrit en amoureux de la montagne. Ce livre a parfois l’allure d’un topo-guide, le document qui détaille toutes les caractéristiques d’un chemin à prendre quand on randonne ou quant on s’engage dans une course de haute montagne. On peut s’y rapporter presque aveuglément pour parcourir la montagne en suivant les héros du roman. Rufin, médecin et ancien diplomate « fait » de la montagne et il a été conseillé par des alpinistes de notoriété.
Si la montagne est une divinité, l’alpiniste en est la liturgie et le guide y exerce un sacerdoce.
Il n’y avait pas de montagne plaisir mais seulement la montagne qui réservait, à sa discrétion, le plaisir et la douleur, le merveilleux et le drame, l’effort et le repos, la conscience et l’oubli. Rémy se voyait le serviteur de cette divinité aux multiples visages à laquelle la vie l’avait destiné.
Après avoir lu ce livre on en sait plus sur la montagne, les mouvements anciens et actuels qui la sculptent, les roches qui la composent :
Rémy avait toujours été extrêmement sensible aux variétés de texture des pierres….Le calcaire se lustre et se patine à chaque passage. Le geiss lui reste intact et paraît vierge.
Jean Christophe Rufin décrit des métiers comme celui de cristalliers, ils auraient été les premiers à gravir nos sommets à la recherche des cristaux. Nous entrons aussi dans l’univers des guides ou des gardiens de refuges. J’ai appris pourquoi, sur les cimes, sont presque toujours installés une Vierge ou une croix…et ce n’est pas pour des raisons de piété…
La particularité de ce roman est que Jean Christophe Rufin montre influence de la montagne sur les personnes ; j’ai mieux compris pourquoi les montagnards que je connais, restent si attirés à leur vallée et qu’il leur est difficile de vivre ailleurs.
Gravir la montagne, c’est partager le plaisir d’un effort commun et surtout de la beauté des paysages toujours extraordinaires.
La montagne, un lieu de rencontre .
« Les flammes de pierre » est un roman où deux amours se donnent rendez vous, la montagne et l’attachement entre Laure, la parisienne et de Rémy, le guide de la Compagnie des Guides de Chamonix.
Tu me suis, dit-elle. Ce furent les seuls mots prononcés. Ils contenaient tout, la certitude, la promesse, le mystère.
Laure, il ne savait où, s’était dévêtue . Elle arriva devant lui, moulée dans un body noir. A ses cheveux blonds s’accrochaient comme des étincelles les ultimes rayons du soleil qui frôlaient la rambarde chantournée du balcon.
Rémy qui, avec tant d’autres, n’avez jamais éprouvé la moindre gêne à proposer, souvent de façon impudique, le moment de l’amour physique, se sentait incapable de prendre l’initiative que ce fût…Heureusement avec une autorité sans artifice, Laure fit les gestes attendus.
Le rocher, avec elle, s’illumine….Je sais qu’elle va les toucher à son tour et que la pierre va imprimer sur ses doigts l’empreinte encore vivante des miens.
Nul n’aurait pu dire ce qu’ils faisaient là ni pourquoi la montagne leur apportait tant de bonheur.
L’immense intérêt de ce roman a été de provoquer l’ouverture de ma boite à souvenir .
Au gré des 346 pages de ce roman, sûrement comme de nombreux lecteurs et lectrices, mon esprit s’est envolée vers d’agréables souvenirs qui m’ont comblé de bonheur. D’abord j’ai voulu retrouver des images, des vieilles photos . comme celles ci …ou de plus récentes qui ponctuent les articles de ce blog (faire l’étiquette « Lanslebourg »).
Encore plus agréable…
C’est au pieds de l’éternelle Dent Parrachée (voir ce dessus), comme dans un refuge, au centre de jeunes de l’OCCAJ à Lanslebourg que notre parcours amoureux s’est engagé avec Colette.
Georges était le gardien de ce refuge (1356m), situé au bord de la route du Mont Cenis, entouré de sommets, le Signal du Grand Mont Cenis (3377m) au sud et ceux du Parc de la Vanoise au Nord, comme le Grand Roc Noir (3582m).
Ne cherchez pas ce refuge sur vos cartes, depuis longtemps il a été emporté par une avalanche… « économique ».
Dès 1968-69 Georges a été mon guide puis notre guide. En serviteur de la montagne, il m’a fait découvrir l’escalade, l’école de glace, les courses en montagne. Il a été aussi le moniteur de ski particulier de Colette comme elle aimait le déclarer. Tous les ans, hiver ou été, quand nous revenions à Lanslebourg il était là avec Marie Antoinette son épouse pour nous faire découvrir de nouvelles faces de sa montagne. On aurait dit qu’ils étaient associés à la montagne pour consolider toujours davantage notre rencontre qui avait eu lieu dans leur « refuge » au pieds de la Dent Parrachée. Ils nous ont même accompagné dans les montagnes d’Ethiopie et sur les hautes dunes d’Iran.
Avec eux nous avons fêter nos 50 ans de mariage et puis en décembre 2020 ils sont partis . Maintenant nous devons apprendre la montagne sans eux, heureusement d’autres « serviteurs de la divinité » comme Claude dans ses alpage et son époux Gérard guide de haute montagne, ont pris le relai .
Espérons que nous pourrons encore longtemps être amoureux « à et de » la montagne tellement divinisée par Jean Christophe Rufin dans « Les Flammes de Pierre » .