Rencontres libanaises (8)
Fouad, l’orfèvre.
Fouad habite un quartier dit mixte de Beyrouth, c’est à dire qu’ici, cohabitent sunnites et chiites.
Le quartier s’appelle Mazraa. Pas loin d’ici pendant la guerre la ligne de démarcation entre Beyrouth Ouest musulmans (où nous sommes) et Beyrouth Est chrétien. Fouad nous montre la maison en face de son atelier où une famille a été victime des balles des snipers de Beyrouth Est.
Fouad est orfèvre ; il confectionne avec ses frères principalement des plaques–pendentifs en or ou en argent.
Sa boutique est très petite comme beaucoup de commerces dans ce quartier. Si les bijoux de style oriental vous tentent allez dans ce quartier il y a beaucoup de choix et l’or est encore bon marché !
Sur les conseils de notre ami Chehadeh, nous orientons la discussion sur le terrain politique et je remarque que Fouad est très à l’aise, il accepte d’être enregistré. Nous aurions pu parler pendant des heures, seuls ses clients interrompaient notre dialogue .
D’abord « humain »
Je commence par l’interroger sur sa carte d’identité car j’ai appris que sur la carte d’identité libanaise il était mentionné l’appartenance communautaire de la personne . Sur les nouvelles cartes seul le statut familial est noté par exemple « divorcé » .
Ecoutez Fouad :
Fouad déclare que sur sa carte il y a « sunnite » mais qu’en réalité il se sent d’abord « humain », puis « arabe », libanais et enfin sunnite. Il veut ainsi nous montrer le recul qu’il prend quant à l’appartenance à une communauté.
D’ailleurs Fouad n’aura de cesse de nous expliquer que pour lui la politique au Liban, ce sont des « politiciens » qui entrainent derrière eux des groupes de personnes en utilisant le communautarisme religieux. Tiens, tiens on croit entendre Moha, la prof d’histoire géo et chrétienne non pratiquante.
Pour des politiciens indépendants
Fouad continuera en précisant que ces « politiciens » ne sont pas indépendants en démontrant que dans l’histoire de Moyen Orient les impérialismes : les perses…, les européens (les croisées), les turcs et maintenant les américains et leurs alliés, ont toujours agi sur les populations locales et leurs représentants.
La fin de la guerre s’appuiera sur les accords de Taëf en Arabie Séoudite qui avait défini un équilibre interne parce que soutenu par la communauté internationale. Les accords de Doha au Quatar pour un Gouvernement d’entente il y a deux ans se sont construits sur la même base, l’équilibre.
Quand je m’étonne de la « capacité » des belligérants internes (entre famille par exemple) à se réconcilier, il nous explique deux choses : une fois l’équilibre national retrouvé, les actes de guerre s’oublient (ou plutôt on n’en parle plus) et ce qui confirme notre horreur, que ce sont les pauvres et les jeunes que l’on paie pour faire la guerre.
L’explication de Fouad en audio : reconciliation
A ma question sur l’avenir d’un parti avec des valeurs de bien être, qui ne serait pas attaché à un « impérialiste » extérieur, Fouad me précise que ça existe avec l’exemple du parti communiste libanais. Je n’en saurais pas plus !
Qu’est ce qui anime Fouad dans ses convictions basées sur une analyse solide qu’il n’hésite pas à nous exprimer ? Nous aurions eu besoin de plus de temps pour en approfondir les raisons ; ce dont je suis sûr c’est que Fouad refuse le communautarisme et ses ravages au Liban. Je pensais qu’il était proche du Général Aoun qui prône un rassemblement mais Fouad m’a rétorqué que Aoun était d’abord un stratège cherchant le rapport de force (alliance chrétiens et Hezbollah).
Alors quel avenir pour la nation Liban ? Après l’entretien avec Fouad je reste interrogatif , dommage … De toutes façons Fouad nous a donné une leçon d’histoire si nécessaire pour comprendre les autres.
Pour terminer notre entretien, une leçon d’Islam par Fouad : lecon-dislam